Traces digitales de Néandertal
Sciences

Les plus anciennes gravures de Néandertal en France

De nouvelles datations confirment que Néandertal est l'auteur des tracés digitaux découverts en 1975 dans la grotte de la Roche-Cotard, en Indre‑et‑Loire. 

Une étude pluridisciplinaire, pilotée par le géologue Jean-Claude Marquet, vient d’être réalisée dans la grotte de la Roche-Cotard. Elle a été menée en 2023 par un collectif de scientifiques du Muséum (dont Morgane Calligaro, doctorante au sein de l’UMR HNHP - NOMADE), de l’INRAP et du CNRS. 

Cette étude a permis de dater les gravures pariétales de la Roche-Cotard d’au moins 57 000 ans et de les attribuer à Néandertal. Il s'agirait des plus anciennes traces organisées en grotte de cette espèce humaine en France et en Europe, et peut-être même pour toutes les humanités.

Traces digitales de Néandertal

Gravures réalisées au doigt par Néandertal dans la grotte de la Roche-Cotard (Indre-et-Loire)

© J.-C. Marquet

Découverte de la grotte de la Roche‑Cotard

La grotte de la Roche-Cotard a été découverte par hasard en 1846 lors de travaux de construction d’une ligne ferroviaire. Cependant, elle est restée inaccessible jusqu’en 1912, moment où le propriétaire du terrain, François d’Achon, découvre un trou qui aboutit dans les boyaux et décide de dégager l’entrée colmatée de la grotte. 

Une étude des sols a montré qu’elle a en partie été inondée à plusieurs reprises par le cours de la Loire, situé à proximité. Des limons d’inondations se sont accumulés au fil du temps et ont fini par obstruer la cavité. Tout ce qu’elle contenait était dissimulé sous plusieurs mètres de dépôts.

Des indices de la présence de Néandertal

Traces digitales de Néandertal

Gravures réalisées au doigt par Néandertal dans la grotte de la Roche-Cotard (Indre-et-Loire)

© J.-C. Marquet

En fouillant la grotte débarrassée de ces dépôts, les chercheurs ont révélé des indices de la présence de Néandertal, notamment des ossements d’animaux et des outils du Moustérien, industrie lithique attribuée à cette espèce. 

En 1975, le géologue Jean-Claude Marquet y découvre également des gravures. Elles ont été réalisées au doigt sur une paroi de tuffeau - une pierre calcaire tendre - d’une douzaine de mètres de longueur. 

Des traces humaines ?

Comment avoir la certitude que ces traces ont bien été laissées par des humains, et par Néandertal en particulier ? C’est grâce à une étude des parois pluridisciplinaires, associant relevés, études taphonomiques et expérimentation, appuyées notamment sur des analyses statistiques et sur la photogrammétrie (une méthode de numérisation tridimensionnelle qui permet entre autres de comparer le profil des traces et d’effectuer des mesures), que les scientifiques ont pu confirmer le caractère humain de ces gravures.

Ils ont ainsi pu écarter l’hypothèse qu’ils aient été produits par un événement naturel, un accident ou encore un animal, et démontrer que l’essentiel des tracés avaient bien été réalisés aux doigts, alors que quelques-uns étaient susceptibles d’avoir été faits avec un outil en silex, ou en matière dure animale ou végétale.

Traces digitales de Néandertal

Gravures réalisées au doigt par Néandertal dans la grotte de la Roche-Cotard (Indre-et-Loire)

© J.-C. Marquet

Identifier l’espèce humaine à l’œuvre 

Et si Homo sapiens était en fait l’auteur de ces gravures ? L'étude des sédiments menée en 2023 aux alentours de la grotte montre que la cavité a été fermée il y a environ 57 000 ans. Les gravures ont donc été réalisées autour de cette période, mais l’occupation de la grotte remonte vraisemblablement à 75 000 ans. Or, l’arrivée de Homo sapiens en Europe occidentale est bien plus tardive : elle date d’environ 45 000 ans. 

Par ailleurs, la photogrammétrie, combinée à l’analyse des traces d’altération et des différences colorimétriques, a permis d’éliminer la possibilité que les tracés aient pu être réalisés après l’ouverture de la grotte en 1912. Autrement dit, ils n’ont pas été exécutés au XXe siècle. 

Pour l’équipe de géologues et d’archéologues, ces gravures ont été réalisées intentionnellement par Néandertal. 

Néandertal pouvait être créatif

Traces digitales de Néandertal

Gravures réalisées au doigt par Néandertal dans la grotte de la Roche-Cotard (Indre-et-Loire)

© J.-C. Marquet

Les tracés représentent des motifs non figuratifs. Certains sont simples (impacts de doigts autour d’un fossile, longs tracés sur une vaste surface…), d'autres plus élaborés, comme les triangles enchâssés qui ont été dessinés sur un des panneaux de la paroi. Ces éléments graphiques avaient probablement une signification pour les Néandertaliens de la vallée de la Loire, il est toutefois difficile de déterminer laquelle.

Toujours est-il que ces découvertes contribuent à déconstruire l’image péjorative d’un Néandertal simpliste, incapable de penser et de créer. Au contraire, Néandertal enterrait ses morts et pouvait aussi être créatif. Ces gravures en sont la preuve.